UN AMOUR, DANS L'INTERSTICE DU TEMPS ET DE CE(UX) QUI RESTE(NT)

Un amour bref, quelques jours hors du temps, et tout un siècle en arrière-plan. L’Ancien calendrier d’un amour se lit comme une réflexion douce et politique sur la manière dont les récits historiques organisent les vies, décident de ce qui peut durer ou disparaitre. Forcément j’y suis revenue, à un moment où le futur ne va pas de soi.

Il y a des lectures qui relèvent moins de l’actualité que du retrait. Un moment où l’on cesse de chercher des réponses pour se laisser porter. Lire devient alors une manière de penser l’amour, le temps, les vies ordinaires, sans les transformer en modèles ou performances. Et parfois, cela passe par un roman déjà lu, rouvert sans raison très claire, et refermé plus tard que prévu. Ce texte s’inscrit dans ce temps-là. Un Oblique concis, un peu à part et à contre-rythme, façon petite pause avant que le cycle ne recommence.

Alors, parlons de L’Ancien calendrier d’un amour. Andreï Makine y raconte la vie de Valdas Bataeff, né dans la Russie impériale, devenu adulte dans la tourmente du XXᵉ siècle, emporté par la révolution, la guerre civile, l’exil. Valdas traverse les bouleversements de l’Histoire sans jamais en être le héros. Il les subit, les contourne et les endure comme il peut. Et au cœur de cette existence ballottée demeure un souvenir précis, et central dans sa vie: quelques jours vécus avec Taïa, à l’automne 1920.

Cette histoire d’amour est évidemment brève, clandestine, située dans un moment très particulier. La Russie vient de changer de régime. L’ancien calendrier impérial a été aboli. Le nouveau calendrier révolutionnaire n’est pas encore pleinement entré dans les habitudes. Pendant quelques jours, deux chronologies coexistent. Le temps officiel hésite pendant que l’Histoire elle ne referme pas tout à fait son cadre. C’est dans cet intervalle que Valdas et Taïa se rencontrent, s’aiment, vivent une parenthèse extraordinaire parce qu’elle n’a pas vocation à durer.

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OBLIQUE - voir autrement, penser en diagonale

Par Lennie Stern

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